Enjeux, justifications et portée de la thèse du caractère exploitatif du capitalisme
From Firenze University Press Journal: Rivista Italiana di Filosofia Politica
Emmanuel Renault, Université Paris Nanterre
Tel qu’il fut forgé aux premières heures du développement du mouvement ouvrier, le concept d’exploitation avait principalement pour fonction de développer une critique du capitalisme. Il conserva cette fonction chez Marx et dans l’histoire du marxisme qui a longtemps revendiqué un monopole en matière de critique du capitalisme, et qui a fondé cette dernière sur la thèse du caractère exploitatif du capitalisme tout en revendiquant également le monopole de l’usage scientifique du concept d’exploitation.
Rien de tout cela ne va plus aujourd’hui de soi. La philosophie analytique a élaboré des théorisations de l’exploitation éloignées des intuitions marxiennes.
Les théories féministes ont montré qu’une pluralisation des conceptions de l’exploitation était requise car l’exploitation patriarcale n’est pas réductible à l’exploitation capitaliste, même en admettant qu’elles s’articulent étroitement l’une à l’autre.
Il n’est pas moins évident que la critique du capitalisme peut se fonder sur d’autres principes que ceux d’une théorie de l’exploitation. Cette pluralisation des conceptions de l’exploitation et des formes de la critique du capitalisme invite à considérer à nouveaux frais les enjeux, les justifications et la portée de la thèse du caractère exploitatif du capitalisme.
Nous commencerons par souligner que la critique du capitalisme est irréductible à la critique de son caractère exploitatif bien que cette dernière doive continuer à jouer un rôle décisif dans tous les projets destinés à analyser les logiques économiques et sociales du capitalisme, de même que dans ceux qui visent un horizon post-capitaliste.
Nous expliquerons ensuite pourquoi la thèse du caractère exploitatif du capitalisme peut faire l’objet de justifications indépendantes de la théorie de la valeur sur laquelle elle est fondée chez Marx. Nous discuterons enfin la portée de cette thèse en analysant les contributions respectives des rapports sociaux de classe, de sexe et de race aux processus exploitatifs qui traversent les sociétés capitalistes.
DOI: https://doi.org/10.36253/rifp-1682
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