Nicholas Trevet : le théologien anglais qui parlait à l’oreille des Italiens
From Firenze University Press Book: The Dominicans and the Making of Florentine Cultural Identity (13th-14th centuries)
Blaise Dufal, The University of Sydney, Australia
Une des dernières importantes propositions concernant les origines de
l’humanisme a notamment consisté à déplacer le centre matriciel de Florence
vers Padoue, en insistant sur les usages de la poésie, de la rhétorique et de la grammaire.
Ce déplacement utile reste néanmoins marqué par un italiano-centrisme que l’on retrouve souvent dans l’analyse de la contribution du couvent dominicain de Santa Maria Novella au développement culturel, à la fin du treizième siècle et au début du quatorzième siècle, qui a eu tendance à dessiner un paysage socio-culturel figé dans la péninsule italienne.
Plutôt que d’être considéré comme un lieu symbolique et symptomatique pour la péninsule italienne, dans cette contribution, le couvent de Santa Maria Novella est envisagé comme un espace à l’intérieur de la géographie propre de l’ordre dominicain. Or, une des caractéristiques fondamentales de l’ordre des prêcheurs réside dans la capacité à organiser une mobilité à l’échelle continentale, qui marque profondément l’Europe occidentale médiévale.
Cette mobilité, qui concerne autant les individus que les artefacts comme les livres, a des effets qui ne sont pas réductibles, loin de là, à une spécificité italienne. Autrement dit, le couvent de Santa Maria Novella est traversé par des dynamiques intellectuelles et culturelles qui dépassent et qui débordent son propre cadre. Et c’est justement la capacité de ce couvent et de ses membres à intégrer et diffuser ces dynamiques exogènes qui paraît constituer la particularité de Santa Maria Novella à l’échelle de la péninsule italienne.
Le cas du dominicain anglais Nicholas Trevet (c. 1260-c. 1330) permet de
mettre en crise les visions historiographiques trop italo-centrées et minorant
le rôle des savoirs scolastiques. Son cas est à ce titre exemplaire, car pour lui
l’Italie apparaît comme une étape, importante certes, mais pas forcément suréminente, dans son œuvre encore largement sous-estimée et pourtant particulièrement reconnue à son époque. La multiplicité et la variété des œuvres de Nicholas Trevet (théologiques, philosophiques, ecclésiastiques, encyclopédiques, mythographiques, historiques), ainsi que sa sous-estimation historiographique, empêchent encore de prendre la pleine mesure de l’ensemble de son travail et des significations nouvelles que son étude peut amener à la compréhension des productions des savoirs médiévaux. À travers l’étude de ses commentaires sur le De consolatione Philosophiae de Boèce et sur les Tragédies de Sénèque, il s’agit de saisir les liens interindividuels, intellectuels et culturels, entre son œuvre et le couvent florentin, et ce que ces liens révèlent des dynamiques culturelles dans la péninsule italienne au début du Trecento.
DOI: https://doi.org/10.36253/978–88–5518–046–7.08
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