Sound Heritage at GIPSA-lab: More Than Half a Century of Dialect Surveys
From Firenze University Press Journal: Oral Archives Journal
Jean-Pierre Lai, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Institute of Engineering Univ. Grenoble Alpes
Giovanni Depau, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Institute of Engineering Univ. Grenoble Alpes
Elisabetta Carpitelli, Univ. Grenoble Alpes, Institute of Engineering Univ. Grenoble Alpes
L’ancien Centre de Dialectologie de Grenoble, créé il y a plus de quarante ans, a été depuis sa création un lieu d’accueil pour les chercheurs du monde entier, y compris les plus jeunes, intéressés par la réalisation de travaux sur le francoprovençal.Il était au départ celle que dans l’organisation académique française est appelée une Équipe d’Accueil, c’est-à-dire une uni-té de recherche universitaire indépendante au sein de la struc-ture UFR (Unité de Formation et de Recherche) de Sciences du Langage (actuellement devenue Département). En 2008, pour des raisons liées au réaménagement des centres de recherche, le personnel du Centre de Dialectologie de Grenoble a intégré le laboratoire GIPSA-lab, une unité dont les tutelles sont l’Université Grenoble Alpes, l’Institut national polytech-nique de Grenoble et le CNRS, focalisée sur plusieurs domaines d’étude : l’automatique, les signaux cérébraux, le traitement des images, l’étude de la parole et des systèmes linguis-tiques (dont, bien évidemment, les systèmes dialectaux), la cognition, la robotique et l’ap-prentissage. Cette réunification de dialectologues et phonéticiens du site est, d’une certaine façon, l’aboutissement d’un parcours qui avait commencé au début du X Xe siècle, lorsque les recherches dans les deux secteurs étaient fortement corrélées. Ensuite une séparation institutionnelle avait été connue à partir des années 1970, mais la situation est revenue, à l’aube du X XIe siècle, à celle de départ.En réalité, l’importance attribuée aux recherches de dialectologie à Grenoble se situe à une époque qui précède de plusieurs décennies la création du Centre : cette dernière remonte aux années 1970, à l’initiative de Gaston Tuaillon, personnalité dont nous préciserons plus tard le rôle incontournable.La dialectologie s’installe dans l’Université grenobloise juste après la création dans la ville alpine de l’Institut de Phonétique en 19041 par initiative de Théodore Rosset, phonéticien, grâce à qui la méthode expérimentale dans ce secteur disciplinaire, ainsi que dans le cadre de la phonétique appliquée à la didactique des langues, deviendra le trait distinctif des tra-vaux notamment sur le français, mais plus tard dans beaucoup de langues européennes et non européennes, dans cette université (Abry, Boë, et Rakotofiringa 1997 ; Boë et Bonnot 2010). Comme nous le verrons, l’histoire de la dialectologie et donc de la tradition des enre-gistrements de terrains à Grenoble se lie étroitement à la trajectoire initiée exactement par Rosset (Contini 2010).Toutefois, la figure qui a contribué à faire converger l’approche dialectologique et la tra-dition des études en phonétique à Grenoble a été son successeur, le spécialiste des dialectes francoprovençaux Antonin Duraffour, qui dirigera pendant plus de vingt ans l’Institut de Phonétique, sans être lui-même phonéticien et en considérant la phonétique comme une introduction à la dialectologie. La date exacte de la prise en charge de cette responsabilité n’est pas attestée, mais il est notoire qu’en 1922 le dialectologue utilisait déjà sa signature sur le papier en tête de l’Institut (Contini 2010, 150). D’après les inventaires inédits de l’Université de Grenoble, dans un registre consacré au mobilier et à la bibliothèque, à la p. 11 d’une liste de livres et brochures, il est noté l’achat en 1924 de la part de Duraffour de l’Atlas Linguistique de la France de Jules Gilliéron et Edmond Edmont qui porte encore aujourd’hui, par ailleurs, le tampon de l’ancien Institut de Phonétique. C’est le début de la collection atlantographique qui est aujourd’hui l’un des patrimoines de la bibliothèque de dialectologie de GIPSA-lab. Le spécialiste de francopro-vençal consacrera par la suite beaucoup d’études aux dialectes gallo-romans, voire aux varié-tés celtiques et au roumain. Les recherches de dialectologie à Grenoble mettent naturellement l’oralité au cœur du tra-vail de l’équipe : il s’agit de travaux de terrain ainsi que de traitement des données des atlas linguistiques4.Dans le temps, vu le rôle reconnu notamment dans la région Rhône-Alpes5 pour l’acti-vité dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine régional (Depau, Lai, et Chauvin-Payan 2022), les chercheur·e·s de l’équipe ont non seulement accumulé des enregistrements liés aux enquêtes réalisées suite à des projets personnels ou des projets collectifs, nationaux ou internationaux, auxquels les membres de l’équipe ont participé; d’autre fonds documentaires sonores et sur papier, rares et souvent très anciens, ont été transmis par des personnes (cher-cheur·e·s professionnel·le·s ou passionné·e·s) qui ont confié à l’équipe leurs recueils.Le fonds grenoblois de dialectologie possède aujourd’hui la plus riche collection en France d’atlas linguistiques du monde roman (près de 500 volumes) et plusieurs bandes magnétiques et cassettes audio issues d’enquêtes de terrains. Le détail de la collection sera précisé dans les paragraphes qui suivent. À ce patrimoine, il faut rajouter quelques centaines de rouleaux de cires d’une époque comprise entre la fin du XIXe siècle et le début X Xe, qu’il sera nécessaire de numériser afin de les sauvegarder. Naturellement, ces rouleaux de cire sont désormais très fragiles. Par ailleurs, chaque lecture engendre une perte de qualité sonore. Ainsi, afin de contourner le risque de les abîmer définitivement, notre équipe a envisagé l’at-tribution d’un programme de numérisation des rouleaux à des professionnels. Le coût très élevé de la numérisation (environ 100 € par cylindre, soit près de 10.000 € pour la totalité des cylindres à conserver), ainsi qu’un certain nombre de contraintes de sécurité relatives au déplacement de rouleaux ont, pour le moment, freiné la réalisation de ce projet de numérisa-tion de grande importance aussi bien sur le plan symbolique que par rapport au contenu des enregistrements. Afin de ne pas abîmer ces rouleaux nous avons décidé de ne pas réaliser la numérisation nous-même car chaque lecture engendre une perte de qualité et l’idée de départ était de les confier à un professionnel mais notre laboratoire ne disposait pas à l’époque de la somme nécessaire. Nous espérons malgré tout pouvoir atteindre notre but.Tous ces supports sonores doivent être conservés, préservés, valorisés et être mis à disposition de la communauté scientifique et du grand public, mais ces opérations comportent de nombreux questionnements, notamment juridiques, qui méritent une réflexion approfondie.
DOI: https://doi.org/10.36253/oar-3338
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